Anxiété - 2 : Choisir d'écouter votre messagerie des émotions

Anxiété - 2 : Choisir d'écouter votre messagerie des émotions

A l'aide de deux exemples simples, je vais tenter de vous décrire comment fonctionne la messagerie de Mme Anxiété.

Premier exemple Vous vous promenez dans la forêt, seul. Vous marchez lentement, admirant la nature dans toute sa splendeur. Ignorant les dangers potentiels d'une telle situation, vous êtes détendu...

Jusqu'à ce qu'une légère tension envahisse votre corps. Soudain, il s'active et se met en état d'alerte sans que vous ne sachiez pourquoi. Ça peut ressembler à un frémissement, un frisson ou un léger tremblement... ou bien vous pouvez sentir des picotements dans les mains, une bouffée de chaleur incontrôlable et une accélération de vos battements de cœur. Tandis qu'une bonne dose d'adrénaline active votre corps, vous regardez autour de vous ce qui a pu provoquer une telle réaction. Vous cherchez tout simplement la fumée qui aurait déclenché le système d'alarme. Et vous trouvez enfin : un ours gigantesque se cachait dans les feuillages à quelques mètres de vous. D'un bond, la tension monte et vous vous dites...

Deuxième exempleVous vous promenez sur la plage, seul, au milieu d'une foule d'étrangers. Vous marchez lentement en contemplant le large qui s'étend dans toute sa magnificence. Peu conscient des dangers qui vous guète, vous êtes relaxe... Jusqu'à ce qu'une légère tension vous envahisse. Presque imperceptiblement, votre corps semble tout à coup en alerte. Il s'active. Ça commence par un frémissement, un picotement des doigts, une chaleur qui vous monte au visage... vous sentez l'adrénaline couler dans vos veines. Vous regardez autour de vous, tentant de comprendre ce qui vous arrive. Vous cherchez la fumée qui a déclenché l'alarme... Et vous la trouvez facilement : c'est la femme de votre vie parmi la foule. Il y a des tas de femmes en bikini mais l'une d'entre elle a toutes les caractéristiques physiques que vous recherchez. D'un bon, la tension monte et vous vous dites...

"J'ai peur !" pourrait être dit dans les deux exemples ci-dessus.

Plus certainement dans le premier. Dans le deuxième, cela dépend. La plupart des célibataires pourraient dire "Wow ! Elle me fait de l'effet, elle m'excite!"  Par contre, un homme marié pourrait penser qu'il a peur et crier : "Enlever ce sein que je ne puisse voir !" Un gars timide se dira qu'il est sûrement en train de rougir, qu'il est gêné et qu'il a peur de mal paraître devant une telle femme, ou de telles femmes... Et une femme, que penserait-elle ? Cela dépend ; certaines pourraient se sentir extrêmement jalouse alors que d'autres pourraient aussi se dire : "Wow! Elle m'excite!"

Ces deux exemples nous montrent que Mme Anxiété n'est pas très claire dans ses messages. En effet, comment expliquer, autrement, que l'émotion "peur" (l'anxiété, l'angoisse, le stress, etc.) peut être provoquée par des messages fort différents et que d'un autre côté un même message peut entraîner des émotions fort différentes (peur, jalousie, excitation, etc.). On doit conclure que Mme Anxiété, comme la plupart des émotions (notamment Mme Excitation), utilise un langage limité, c'est-à-dire les mêmes réactions physiologiques ou, du moins, très semblable. Il en revient donc à nous de déchiffrer le message et donc de choisir s'il s'agit d'un signal d'alarme de Mme Anxiété ou de signaux radar de Mme Excitation. Voilà pourquoi on se retrouve avec des réactions émotives différentes d'une personne à l'autre même si chacune d'elles a été soumise à la même situation.

Tout est possible avec un signal d'alarme humain. Comme les détecteurs de fumée, il y en a des bons et des moins bons. Le mien, par exemple, sonne chaque matin lorsqu'un toast est un peu plus doré que d'habitude alors qu'un steak calciné ne le réveille même pas... même s'il déclenche celui du voisin.
Par chance, notre corps ne fonctionne pas tout à fait comme un détecteur de fumée. En effet, ce dernier sonne automatiquement s'il détecte de la fumée ou de la chaleur : Action et réaction... aucune réflexion ! Notre corps, lui, est pourvu d'un cerveau qui peut évaluer la situation et décider de ce qu'il en pense, décider de nommer l'émotion qui l'habite et de réagir avec plus ou moins d'intensité.

STIMULI => RÉPONSES
FUMÉE => ALARME
SENSATION => ÉMOTION

Le schéma ci-dessus de type réflexe ou conditionnement classique, ne permet pas d'expliquer ce qui se passe quand on perçoit un danger et qu'on se met à avoir peur (et il n'explique pas non plus l'ensemble des émotions humaines). Avec ce schéma, une même situation ou une même réaction physiologique provoque toujours une même émotion. Alors qu'est-ce qui fait qu'on a peur ou qu'on se sent amoureux lorsque notre corps est activé de façon semblable ? Vous avez devinez : c'est l'interprétation qu'on en fait. Ainsi donc, l'émotion proprement dit n'est pas une sensation mais bien l'interprétation de nos sensations et perceptions. Nous voilà donc avec un schéma comportemental un peu plus complexe :

STIMULI => PENSÉES => RÉPONSES
ACTION => INTERPRÉTATION => RÉACTION
SENSATION => PENSÉE => ÉMOTION
MESSAGE => DÉCODAGE => SENS
OURS => ÉVALUATION => PEUR

Ce modèle détruit l'illusion que l'émotion est directement liée à une sensation ou à une situation ; illusion qu'on a du mal à laisser tomber, si bien que certains d'entre vous n'en sont pas encore convaincus. Pourtant, qui n'a jamais expérimenté une situation qui, dépendamment du contexte, ne provoque pas la même émotion. Par exemple, on a beau être très sensible de la nuque, un doux baiser provoquera peut-être la même sensation mais sûrement pas la même émotion s'il est donné par son amoureux ou par son voisin...

Autre exemple : qu'arrive-t-il si on tombe face à face avec un ours... dans un zoo ? Votre évaluation de la situation sera tellement différente que vous ne ressentirez aucunement la peur. Sauf s'il se lance vers vous et que pendant un moment vous oubliez les barreaux qui vous protègent. Vous sursauterez, parce que vous ne pouvez pas ignorer une pensée bien ancrée au fond de vous : "un ours a le dessus dans un corps à corps avec l'homme !"

Comprendre de cette façon l'anxiété et ses différents visages, ou toute autre émotion, permet de prendre conscience de notre rôle actif dans la façon de gérer nos émotions. Nous sommes toujours responsables de ce que nous vivons comme émotion, même si parfois il est plus difficile de le reconnaître. Et si nous en sommes responsables, nous avons également le moyen de les modifier. Nous avons toujours un choix à exercer.

Ainsi, dans certaines situations, nous ne sommes pas anxieux parce que nous vivons des événements stressants, nous sommes anxieux parce que nous interprétons ces événements comme étant anxiogène et que nous maintenons dans le temps cette émotion pour de multiples raisons, notamment parce que nous croyons fermement que "sensation = émotion".

Le premier pas vers la guérison ou le mieux-être, est de changer notre façon de comprendre le système "sensation-pensée-émotion" et retrouver notre privilège fondamental : faire des choix ! Ainsi nous pouvons choisir d'évaluer une situation dans son ensemble avant de vivre une émotion qui en découle.

On ne doit pas rester couché si la maison brûle, mais ça ne sert à rien d'appeler les pompiers pour du pain trop grillé...

À suivre dans : Anxiété – 3 : Choisir un sens aux messages des sens.

Fait suite à : Anxiété – 1 : Une amie qui vous veut du bien

 

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