Bio-24 : Carrefour « sexagénairatoire »

Bio-24 : Carrefour « sexagénairatoire »

À la croisée des chemins, il y a des choix nécessaires. Ma vie changeait de direction, en cet été de 1981, à un point tel que je n’ai rien écrit dans mon journal avant de commencer ma nouvelle aventure au cégep. J’avais à faire de nouveaux choix, surtout socialement; j’allais bientôt oublier France pour m’attacher à une nouvelle flamme. Mais avant de replonger dans ce récit du passé, j’aimerais parler de mes choix actuels et de ceux d’un passé plus récent.

On a mis notre maison de Mont-Joli en vente le 20 décembre dernier, en espérant pouvoir retourner en Montérégie en mai 2024, soit 2 ans après notre arrivée dans le Bas-Saint-Laurent. Et aujourd’hui même, un petit couple est venu la visiter pour une deuxième fois. Est-ce le signe que nous allons avoir une offre bientôt ? Je le souhaite. On a tellement hâte de se rapprocher de Vincent, Sarah-Michèle et de leur petit Arnaud. On vient justement de passer 5 jours près d’eux, à Montréal, et ça nous a fait tellement de bien.

En planifiant notre temps des fêtes, on a fait un de ces choix nécessaires : on a passé le flambeau à Vincent pour qu’il organise chez lui notre traditionnel party du jour de l’an. C’était le bon moment. Après 3 années de restrictions pandémiques et une année où peu de personnes avaient accepté de se déplacer jusqu’à Mont-Joli, ça faisait du bien de retrouver notre party IKÉA, celui qu’on coconstruit en y apportant ce que l’on veut partager : bouffe, jeux, amis, bonne humeur et sujets de discussion.

Vincent y a mis nos ingrédients classiques en commençant par inviter nos vieux habitués (membres de la famille et amis qui, au fil des ans, sont de plus en plus familiers les uns avec les autres) auxquels se sont ajoutés des amis de Vincent qu’il a eu un plaisir fou à initier au Tirlibibi1. Faut dire qu’il avait si bien vendu le jeu à ses amis que j’ai surpris l’un d’eux en train de le décrire en détail avant même que ma nièce n’arrive avec celui-ci.


C’était émouvant de serrer dans mes bras toutes ces personnes que j’aimerais voir plus souvent (notamment Sandra et Yvan), de regarder Arnaud jouer avec sa meilleure amie, Dalia, la fille de Sara (meilleure amie de Vincent) ou de jaser avec Charles de son premier Iris et de son premier bébé (avec la belle Camille). C’était plaisant de voir passer Fabienne, BL et Marjo ainsi que mes 2 Gab préférées (Labbée et Cadot). J’étais heureux de croiser Jeik pour le remercier pour la superbe dédicace qu’il m’avait faite dans sa BD Chansons noires.

Côté bouffe, j’ai encore une fois trop mangé – j’essaie toujours de goûter à tout alors qu’il y en a tellement ! Les pains saucisses et les galettes belges de ma douce étaient un tel régal.

En fin de soirée, on a eu droit à notre traditionnelle partie de loup-garou, que j’ai gagnée avec mes deux complices dévoreurs de villageois, JC et Thomas. Et Sarah-Michèle a pris la relève en nous concoctant un quiz digne des meilleures soirées de bar ludique, ce qui m’a permis de jouer au lieu d’animer.

C’était vraiment une bonne idée ce changement et j’espère que la tradition se poursuivra de longues années encore.

 


Nous sommes maintenant le 17 janvier 2024 et on a refusé la dernière offre d’achat du petit couple qui est venu visiter notre maison 2 fois; leur offre était décevante, un peu insultante même, nous laissant croire qu’ils ne cherchaient qu’à faire un coup d’argent. Nous voulons vendre mais nous ne sommes pas désespérés.

Nous voulons récupérer le plus possible notre investissement pour pouvoir un jour acheter une maison avec Vincent. C’est notre nouveau projet à long terme, celui d’un cohabitat impliquant Vincent et Sarah-Michèle ainsi que, peut-être, Sara et Ben. Nous pensons à un croissant avec trois maisons unifamiliales (ou une combinaison de jumelées et/ou unifamiliales). Le projet est embryonnaire puisque nous devons attendre un an ou deux pour que tout le monde soit prêt. Ce choix de projet est né de notre réflexion d’à la croisée des chemins. C'est là que nous sommes rendus dans nos réflexions : pas question de s’acheter à nouveau une maison pour s’y retrouver seuls tous les deux. On ne veut plus de cette responsabilité de proprio. Nos deux années isolés à Mont-Joli nous ont fait prendre conscience de cette réalité.

Ce qui m’amène au bilan de ces deux années. Un bilan positif malgré tout, malgré le sentiment de grande vulnérabilité, mille fois répété. Ça n'a pas été facile, pour toute sortes de raisons. Mais je ne regrette pas notre décision de 2022, car nous avions besoin de nous lancer dans un nouveau projet et le timing sur le plan financier était très bon. Parlons donc de ce choix qui a ouvert la voie à un autre tournant de notre vie.

Remontons au « bon vieux temps » de la COVID-19. Mars 2020 nous a mis dans un état de choc auquel nous nous sommes adaptés avec beaucoup d’humour… au début (voir mon psy’t bonheur Ma drôle de quarantaine). C’est grâce à cette pandémie que, comme beaucoup de monde, j’ai réalisé que je pouvais gagner ma vie à distance. Ça m’a pris plusieurs mois pour m’habituer à faire de la télépsychologie mais, 4 ans plus tard, c’est majoritairement comme ça que je rencontre mes clients. Ici, à Mont-Joli, j’ai pu continuer à suivre mes clients de la Montérégie et découvrir des gens de l’Est du Québec (Percé, Chandler, Matane, Baie-Comeau) et de bien d’autres régions (celles de Québec, de l’Outaouais ou de l’Abitibi). Cela dit, cette perspective de pouvoir travailler n’importe où dans le monde a contribué au choix que nous allions faire en janvier 2022.

La COVID-19 a aussi provoqué quelque chose qui allait favoriser notre décision. Alors que ma maison de Marieville demandait d’investir de plus en plus dans des rénovations que je n’avais pas envie d’entreprendre, voilà que c’est la folie dans le monde immobilier. Les maisons se vendent à des prix inimaginables en Montérégie parce que, comme je disais tantôt, pleins de gens réalisent qu’ils peuvent travailler à distance, notamment ceux de Montréal qui rêvent d’une vie à la campagne : et ils sont prêts aux surenchères pour acheter leur maison. Je me souviens avoir regarder la vague passer en me disant que c’était un bon temps pour vendre mais que, malheureusement, on ne serait jamais capable d’acheter une autre maison en restant dans la même région.

Alors, quand ma femme m’a parlé de son intérêt pour retourner aux études mais que les deux programmes qui lui tentaient le plus étaient ceux de l’UQAR (Université du Québec à Rimouski), j’ai eu envie de sauter sur l’occasion. Professionnellement et financièrement, c’était une superbe décision. Ma seule hésitation venait du côté de ma relation avec mon fils, il venait juste d’avoir Arnaud en mai 2021 et il jonglait avec l’idée de s’impliquer en politique pour les élections provinciales d’octobre 2022. Je savais que j’allais m’ennuyer d’eux, mais en même temps je me disais que notre lien était tellement fort que la distance n’aurait pas d’importance. Faut dire qu’avec la pandémie, on s’était habitué à vivre notre grand-parentalité avec une certaine distance.

On a hésité un peu, en tentant de peser le pour et le contre, mais on a vite décidé de se lancer. Il y a une petite phrase que Marie-Pascale m’a dite qui m’a convaincu : « Ce serait la première fois que je ferais quelque chose juste pour moi ». Et elle avait raison. Habituellement, elle est beaucoup plus motivée lorsqu’elle fait quelque chose pour moi ou pour Vincent. Là, c’était pour elle, pour son propre épanouissement et j’avais très envie de la soutenir.

Je lui ai aussi rappelé l’un de mes fantasmes de retraite : aller faire pousser des tomates en Gaspésie – j’avais emprunté ça au personnage joué par Marc Labrèche dans L’Âge des ténèbres (un film de Denys Arcand, en 2007) qui, dans mes souvenirs, sacrait tout là pour s’installer sur le bord du fleuve.

Puis, tout s’est enclenché très vite. On met la maison en vente le 1er février pour accepter une offre qu’on ne pouvait pas refuser 8 jours plus tard. Toutes les conditions se remplissent pour que la vente soit officialisée la journée de ma fête, 10 autres jours plus tard. On visite des maisons à Rimouski le 19 février, faisons une offre sur notre « bateau » près du phare de Pointe-au-Père, mais elle n’est pas acceptée étant donné la surenchère que nous ne pouvons pas suivre. Finalement, on visite des maisons à Mont-Joli sans nous redéplacer, au début du mois de mars. Grâces aux vidéos et commentaires positifs de notre agent, nous faisons une offre qui est acceptée le 15 mars. En deux mois, je réussis à faire 235 boîtes et, après un déménagement s’étalant sur 3 jours, nous emménageons le 15 mai 2022.

J’aurais aimé que ça se passe aussi vite cette fois ci, mais nous sommes déjà le 22 mars et notre dernière visite n’a pas donné fruit. Je me sens un peu découragé.

 

 

Il paraît que la croisée des chemins (le carrefour) a toujours été un lieu symbolique envoûté par un certain mysticisme magico-religieux, craint par nos ancêtres païens. Le Dictionnaire des symboles2 nous révèle que, selon la tradition germano-nordique, le centre du carrefour est le centre du monde : Il est lié au symbolisme de l’arbre cosmique qui permet à Odin de voyager entre les 9 mondes. Comme une des fonctions d’Odin est de manipuler les destinées, on associe la croisée des chemins aux changements de destin.

« Le carrefour comme centre du monde, est un lieu d’apparitions et de révélations. Les croisées des chemins sont peuplées par des génies généralement redoutables, que l’homme a tout intérêt à se rendre favorables. Il était coutume dans les traditions païennes, de dresser aux carrefours des pierres levées, des autels, des inscriptions sacrées, qui se transformèrent en petites chapelles avec leur récupération judéo-chrétienne. Le carrefour est un lieu qui incite à l’arrêt et à la réflexion, il invite à la méditation. Il est aussi un lieu de passage où le destin peut révéler un changement de route, un changement profond qui peut parfois mener à la mort ou à la renaissance cyclique, le passage d’une vie à l’autre. Des rituels bien précis devaient avoir lieu afin de se concilier les génies du lieu. »3

Ce symbolisme me parle depuis quelque temps. Quelle direction prendre ? Que faire maintenant ? Je viens juste d’avoir 60 ans et l’enfant en moi se demande encore : « Qu’est-ce que je vais faire quand je vais être grand ? » En fait, j’entends en moi plusieurs voix qui me questionnent, me jugent parfois, ou m’incitent à suivre « ma » voie. Difficile de distinguer entre celles des mauvais génies de la croisée des chemins, comme celle de mon tyran intérieur4, de celle de mon cœur d’enfant, ou tout simplement celle du Mandalorian – « Telle est la voie ! »


« Cette croisée des chemins, c’est l’arrivée devant l’inconnu, la partie occulte que tout le monde véhicule au travers de son inconscient. Face à ce monde inconnu, la réaction humaine la plus commune est la peur et l’inquiétude, des sentiments que tout le monde partage lors d’un changement de destin. L’orientation nouvelle qu’implique ce changement invite à des sentiments solennels et à une notion fondamentale qui est le pouvoir de décision. Choisir la bonne voie est en effet à ce niveau un élément incontournable. Arrêt au carrefour, réflexion, invocation, sacrifice, et décision, sont nécessaires pour celui qui veut continuer sereinement son chemin. »3

C'est vraiment ce que je ressens en ce moment. Parfois pétrifié devant l’incertitude. Parfois enthousiaste devant de nouvelles perspectives. Heureusement, ma maison est une belle place pour attendre…

À la croisée du Saint-Laurent et de La Mitis.

 

À suivre dans : Bio-25 : À la croisée d'Éliane et du cégep

Fait suite à : Bio-23 : Suite du journal aux puces d'un finissant

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Notes, références et légendes des figures (numérotées de haut en bas)

Fig. 1 : Croisement de la 132-Est et de la 132-Ouest, à Ste-Flavie. Photo de Marie-Pascale. Le 11 juin 2022.

Fig. 2 : Vincent, Charles et Sara qui jouent au Tirlibibi1 sous la supervision de Camille. Montage de deux photos de Gabrielle Cadot. Le 31 décembre 2023.

Fig. 3 : Notre maison de Mont-Joli telle qu’elle apparait sur le site de centris.ca.

Fig. 4 : Vue du fleuve à partir de l’Avenue du Quai, à Rimouski. Photo de Marie-Pascale. Le 6 février 2024.

Fig. 5 : José au volant, quelque part sur le 3e rang, dans La Mitis. Photo de Marie-Pascale. Le 30 septembre 2023.

1 : Tirlibibi est un terme d'origine ch'ti pour désigner un jeu de loterie répandu dans le nord de la France. Dans ma belle-famille, c’est le nom qu’ils ont toujours donné au jeu de billes et de marteaux qu’ils ont fabriqué d’après un jeu ancestral dont j’ai retrouvé la trace sur internet, le Jeu des marteaux : « un jeu typique des estaminets du Nord de la France. Il est connu aussi sous le nom de "Knockerball rocks" "bobomimine" et "Hamertjesspel" en Belgique. » Voir : https://www.lamaisondubillard.com/jeux-anciens-et-traditionnels/1270-jeux-de-marteaux.html

2 : Chevalier, J. et Gheerbran, A. (1982). Dictionnaire des symboles. (Éd. rév.) Paris : Robert Laffont, Jupiter. (L'ouvrage original a été publié en 1969)

3 : Tiré de la page Symboles païens et inscriptions runiques sur Facebook (qui cite le Dictionnaire des symboles2 comme source principale.) Voir : https://www.facebook.com/photo?fbid=623567871115358&set=a.305926009546214

4 : Le tyran intérieur fait référence au Parent critique tel que décrit dans notre texte (à Marie-Pascale et moi) : CA-1 : Trouve ton « Parent intérieur » et dis-lui « Fuck You ! »

 

N.B. : Le texte ci-dessus est basé sur une histoire vraie. Cependant, n'oubliez pas que :
1) mes avertissements généraux s'appliquent aussi aux textes de cette section ;
2) il s'agit de ma propre vérité, à partir de mes points de vue et jugements personnels du moment ;
3) la mémoire est toujours un processus de reconstruction mentale et une faculté qui oublie ;
4) presque tous les personnages ont des noms fictifs.

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