Le 8 juin 1979. C’est la fin de mon secondaire III, ma dernière journée de classe. Je profite du temps que j’ai entre mon premier et mes deux derniers cours pour écrire ma vie. Je me rends compte à quel point j’ai fait beaucoup de créations cette année en arts plastiques.
J’ai fait une série de dessins à la gouache, à l’encre de chine, à la craie de cire et au crayon feutre. J’ai même pris des photos de trois de mes oeuvres. J’ai fait aussi un vase en terre cuite que j’ai glacé pour le rendre brillant – il est encore dans la salle de bain de José en 2023 !
J’ai aussi fait mon premier bas-relief en plâtre. En imprimerie, j’ai conçu ma carte d’affaire et un livre à colorier comprenant quatre de mes dessins : Laurel et Hardy à moto, Lucky Luke sur Jolly Jumper, une sorte de dragon auquel j’ai ajouté une deuxième tête et finalement un monstre, un gorille que j’ai créé moi-même, armé d’un poignard découpant le corps d’une femme que l’on ne voit pas vraiment. En meubles et construction, je me suis retrouvé à faire un coffre à bijoux.
Côté écriture, j’ai dressé une liste de toutes les aventures prochaines de Joslo. J’ai décidé de faire de courtes histoires à la place d’en faire une seule. Mon premier récit devrait s’appeler Pour échapper à Piropointe, La poursuite infernale, Danger ou Sauve qui peut. En tous cas on verra en temps et lieu. J’ai hâte de finir une de mes histoires et de la publier avant que quelqu’un me vole mes idées. J’ai l’étrange projet de battre les succès de tous les temps, de tous les autres livres ou émissions de télé comme : Goldorak, Bob Moran, Doc Savage, Cosmos 1999 ou même... La guerre des étoiles. – Quelle belle naïveté dirait le José d'aujourd'hui !
En attendant, j’ai gagné le concours du meilleur conte de mon école (ou plutôt de mon niveau) : Gérardon et les deux crabes magiques. En principe, j’ai été aidé par deux copains, Charles et Roger; en réalité, mis à part les belles descriptions de la sirène de Roger, je l’ai écrit tout seul. Une fille de la classe avait été chargée de le taper à la dactylo (elle suivait des cours) mais je dus le recommencer moi-même car il manquait des mots, des lettres, des phrases (elle ne suivait pas des cours pour rien). J’y ai donc mis du temps, le produit final comptait 23 pages.
Le plus drôle, c’est que José n’a jamais revu la copie dactylographiée à la sueur de son front. Il ne lui reste que le brouillon. Sa mère, quelque peu parano, s’imaginait que la prof l’avait gardée pour lui voler ses idées… Mon maître insiste pour que je vous montre le résumé du conte au cas où vous pourriez remarquer si depuis cette année-là, 1979, quelqu’un a fait fortune en plagiant sa création. ;)
C'est l'histoire d'un homme qui doit, par tous les moyens, trouver la baguette qui permettra de transformer une formidable sirène en douce et très séduisante femme qu'il aime. Lui et sa petite soeur devront donc entreprendre un intrépide voyage où ils devront combattre de redoutables ennemis. Des pirates, un lion, des serpents, des momies et un escadron de crocodiles ne pourront rien contre les pouvoirs maléfiques des deux crabes magiques qui aideront nos deux héros. Vont-ils réussir à parvenir jusqu'au bout de leur peine ou vont-ils périr dans les crocs des gardiens de l’île aux trésors ? Si vous désirez le savoir, ne tardez pas plus longtemps, lisez ce formidable récit qui vous amusera tout un après midi. N'est-ce pas bien dit ?
Et il a eu droit à sa première lettre de félicitations et… de refus !
Le 13 juin 1979,
Roger, José et Charles,
Gérardon et les deux crabes magiques m’ont permis de faire un beau voyage, au cours duquel j’ai pu apprécier le choix de vos illustrations et la clarté de votre écriture. Qu’il s’agisse de l’introduction ou des péripéties, vous savez faire preuve d’originalité et d’humour, qualités fort appréciables. Je vous en félicite et je vous encourage à participer à de nouveaux concours. Félicitations à vous et à votre professeur. Bonne chance !
Le conseiller pédagogique en français au secondaire à la région centre, Suzanne Martin.
Et une note du prof (ajoutée à la main sur la lettre):
J’aurais bien aimé que tu remportes le premier prix car j’ai trouvé votre conte fort beau et personnellement, il m’a beaucoup amusée. J’espère que tu continueras d’écrire d’aussi jolies choses. Bonnes Vacances ! I. Gagné.
C’est drôle, je n’ai pas beaucoup pensé à France dernièrement, mais je compte bien la revoir cet été, dans la piscine à Martine. J’espère que mes problèmes de seins seront finis : j’ai une poussée de malformation d’adolescence aux seins. L’an dernier, j’ai fait rire de moi en me déshabillant dans mes cours d’éducation physique. Je sais que beaucoup de jeunes passent par-là, mais moi je suis plus gros, ça paraît beaucoup plus. Je me suis acheté des poids et altères pour renforcer et raffermir mes muscles, sinon, en septembre, on m’opérera. Je souhaite que cela ne paraisse pas chez Martine. L’an passé, je réussissais à les cacher. Je portais une serviette sur moi pour me rendre sur le deck de la piscine hors-terre. J’attendais d’être seul, que personne ne me regarde ou je me dépêchais pour sauter le premier à l’eau avant même que les autres n’arrivent. Je passais pour quelqu’un qui adorait se baigner, ce qui n’était qu’une demi-vérité. D’autant plus que j’étais souvent le dernier sorti, quand les autres s’en allaient déjà ou étaient trop occupés à se sécher. J’attendais que mes seins changent de forme, car l’eau froide aidant, il se raidissait, se durcissait et avait l’air de seins normaux. À la fin de l’été, j’avais découvert qu'en les pinçant un peu je pouvais les transformer. Hélas, ils ne restaient pas longtemps corrects, j’avais juste le temps de sortir et de m’enrouler dans ma serviette. Je passais donc pour quelqu’un de très frileux, ce qui était totalement faux. J’enfilais vite mon chandail qui me protégeait suffisamment l’an dernier. Maintenant, le problème a empiré, mes seins paraissent malgré un chandail, je dois porter une veste de jogging par-dessus. Je commence à passer pour quelqu’un qui aime avoir chaud, ce qui est totalement faux aussi.
Aujourd’hui, j’ai envie de vous décrire la femme de mes rêves :
- Il faut qu’elle m’aime avant tout ;
- Qu’elle soit belle ;
- Pas « fraiche-chier » ;
- Qu’elle aime les enfants ;
- Qu’elle aime la campagne ;
- Qu’elle aime la lecture ;
- Qu’elle adore le dessin ;
- Qu’elle aime mes histoires ;
- Qu’elle aime les animaux ;
- Qu’elle ne fume pas ;
- Qu’elle ne boive pas ;
- Qu’elle soit travaillante ;
- Qu’elle soit encourageante ;
- Intelligente ;
- Optimiste.
Enfin, je souhaite tout un petit brin de femme qui pourrait m’aider et me comprendre.
Je pense que José a fini par la trouver... en moins de 10 ans seulement !
Personnellement, ce ne sont pas les seins que je regarde chez une femme, mais plutôt le visage. Lindsey Wagner (la femme bionique) me plaît beaucoup même si elle n’a aucune poitrine. Avant, et encore un peu aujourd’hui, je fantasmais sur des affiches de Farrah Fawcett, Jaclyn Smith – la préférée de José ! , Linda Carter, Cheryl Ladd et Raquel Welsh, pour ne nommer que celles-là. – Les Anges de Charlie et Wonder Woman ! – J’étais excité par leurs cuisses si douces qui sortaient de leurs robes fendues jusqu’à la taille. C’était fantastique ! Voyez-vous, j’étais fou, mais je ne devais pas être le seul. Parfois je me fais des petits scénarios dans ma tête. J’imagine une fille de la classe, formidable, qui viendrait chez moi pour étudier. Il suffirait que j’échappe un jus sur elle pour ensuite l’aider à s’essuyer... J’ai songé à un maniaque qui grâce à un gaz obéissant, pouvaient séduire les plus belles filles de l’école. Je pensais à toutes les filles qui avaient quelque chose d’intéressant et je m’imaginais passer de classe en classe pour les savourer [...] – Ô censure quand tu nous tiens ! Je pensais même à la prof de gym des filles. Parfois, mes fantasmes m’amenaient vers des filles en dehors de l’école, comme ma cousine Gertrude, la fille de Ginette. Je voyais des filles partout l’an passé, mais maintenant je me contrôle mieux. J’utilise les idées qui me viennent pour mon écriture, ça devient des scènes érotiques pour mes prochains romans.
OK! On va se le dire : c'est ça un ado libidineux !
Chose étrange, quand je fais ça, je ne pense pas à France. Et quand je vois France, je ne pense plus à ça. Peut-être que notre lien est plus grand que l’amour. Ou bien, c’est parce qu’elle est réelle et que je me contrôle bien dans le réel. À moins que je ne l’aime pas ? Impossible !
À suivre dans : Bio-4 : Je me souviens
Fait suite à : Bio-2 : Ami(e)s d'adolescence.
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Notes, références et légendes des figures (numérotées de haut en bas)
Fig. 1 : Dessin de José pour son cours d'imprimerie, en secondaire III, en juin 1979.
Fig. 2 : Dessin de José illustrant la première page de son conte, pour son cours de français, en secondaire III, en 1979.
Fig. 3 : José dans sa « tenue sportive », probablement en 1979 ou 1980 ; photographe inconnu.
Fig. 4 : Poster de Jaclyn Smith à l'intérieur du magazine Le Lundi (date inconnue). N.B. : José a utilisé ce poster qu'il avait encore en 2021, pour l'intégrer à son collage Rêves d'enfants (à vous de la trouver).
N.B. : Le texte ci-dessus est basé sur une histoire vraie. Cependant, n'oubliez pas que :
1) mes avertissements généraux s'appliquent aussi aux textes de cette section ;
2) il s'agit de ma propre vérité, à partir de mes points de vue et jugements personnels du moment ;
3) la mémoire est toujours un processus de reconstruction mentale et une faculté qui oublie ;
4) presque tous les personnages ont des noms fictifs.