Bio-2 : Ami(e)s d'adolescence

Bio-2 : Ami(e)s d'adolescence

J'ai dormi pendant plusieurs mois avant qu'on recommence à me parler. Je m'étais pourtant fait tout léger pour que le vent soulève mes feuilles et me dévoile en partie... pour le tenter. Pour que son stylo-bille puisse continuer à me barbouiller frénétiquement. Je sentais toute sa tension, son énergie, sa fougue. J'avais hâte qu'il me parle des femmes.

Dans ma vie, je n'ai jamais eu beaucoup d'amis. C'est vrai que j'ai eu Jean-Pierre pendant un an (1976-1977) mais, en arrivant à la polyvalente, nous nous sommes laissé tomberJosé se demande encore pourquoi, car ils étaient inséparables, comme des frères; ils avaient même des tuques pareilles avec leur prénom dessus.

Là, j'ai Roger, un garçon qui veut devenir prêtre. Je ne sais pas s'il va réussir mais, jusqu'à maintenant, la chance est de son côté. Depuis le 6 septembre 1977 qu'il se tient avec moi, depuis la rentrée, parce que nous devions partager un casier avec quelqu'un. Il y a eu aussi Donald, un très bon dessinateur spécialiste dans les monstres. Mais des filles ; on dirait que ça ne marche pas. De toute manière, elles sont rares les bonnes filles à l'école. Une seule m'a touché, Manon. Une autre aussi, Céline. Elles étaient très belles, très bien, mais je ne pouvais rien faire. Je n'osais même pas les approcher.

Hors de l'école, il y en avait des gentilles. Suzie est l'une de ces dernières. Je l'ai rencontrée à un camp de vacances familial en 1977. Nous avions eu du plaisir dans les bois. Le camp était mal organisé, alors nous nous occupions nous-mêmes. C'est elle qui me fit danser pour la première fois. C'était When I need You, de Leo Sayer, mon premier slow. Nous devions nous revoir après le camp, mais le projet est tombé à l'eau et je l'ai oubliée. De toute façon elle avait 16 ans et moi 13.

La mère de José lui a avoué, beaucoup plus tard, qu'elle avait demandé à Suzie de le faire danser. Malgré cette révélation, José se rappelle toujours la gentille Suzie, Leo et  son premier slow, avec beaucoup de bonheur.

Au camp, il y avait aussi un garçon qui m'impressionnait. Il s'appelait Marcel. Fort, bien bâti, j'aurais aimé être comme lui. Il avait un problème particulier, il se frappait longtemps la tête contre ses oreillers pour s'endormir. Nous nous sommes revus pendant le congé de Noël, lorsque sa mère nous a donné des habits de motoneigiste que nous portons encore en 1979.

Depuis que je l'ai revu pendant les vacances de Noël 1978, celle qui me trouble le plus et pour qui je pense ressentir le plus d'amour, c'est bien elle : France. Une très belle fille aux cheveux roux. Avec des petites taches de rousseur dans la figure. Un sourire que j'aime bien. Un rire dont on ne se lasse pas. Je l'aime vraiment. J'ai même souhaité déménager près de chez elle à Saint-Antoine sur le Richelieu. Je rêvais encore, il y a juste trois jours, que j'allais à l'école avec elle. Je pleure souvent à l'idée que je ne pourrai jamais habiter la campagne avec elle. J'ai même planifié d'aller à la campagne à toutes les fins de semaine en autobus avec ma sœur, mais Colombe avait des cours de danse le dimanche. Je ne peux y aller tout seul, que vont penser ma tante et mes cousins ? Et les frères et sœurs de ma bien aimée, cousins de mes cousins.

Ça serait intéressant d'aller habiter là-bas, car je ne suis pas le seul à aimer la campagne, il y a aussi ma sœur. Elle, c'est Samuel qu'elle aime bien, le frère de France. J'aime encore cette fille à la voix d'enfant même quand Colombe me dit qu'elle a déjà embrassé mon frère Serge. Ma sœur avait appris ça un soir qu'elle était allée garder des enfants avec France. Auparavant, France nous avait demandé pourquoi mon frère ne venait plus à la campagne avec nous. Nous lui avions dit qu'il avait des problèmes avec sa blonde. Lorsqu'elle alla garder avec Colombe, elle en profita pour lui demander qui était la blonde de mon frère, en lui expliquant qu'elle l'avait embrassé un soir sous les tunnels de leur château de neige. Colombe lui dit que Louise était une fille placée en foyer nourricier qui avait beaucoup de problèmes. Plus tard, France parla de moi. Elle demanda à Colombe si je l'aimais vraiment. Colombe répondit qu'elle ne le savait pas. Mais elle ajouta que si elle était à sa place, elle me choisirait à la place de Serge, car elle connait bien toutes les stupidités dont il est capable. Mais Colombe ne savait pas comment il était avec ses amies. France avoua qu'elle ne savait pas si elle aimait Serge. Cela m'a donné de l'espoir, j'ai même pensé un moment que les ennuis de Serge et de Louise allaient m'aider dans mes amours. Là, au moins, il ne pense pas à France. France voulu nous écrire des lettres à tous les trois mais Colombe ne voulut pas lui donner notre adresse. Elle considérait que Serge avait assez d'embêtements avec sa blonde qui se sauvait constamment du foyer où elle était placée.

Je suis encore une fois reparti sans pouvoir l'embrasser. Pourtant, à un moment donné, j'aurais pu le faire. Nous étions seuls tous les deux dans les tunnels de neige. Il faisait noir. Elle était à deux pas de moi, j'avais son souffle dans mon visage. Je ne donnais pas encore mon premier baiser. Je suis retourné chez moi, triste à en mourir. Je me suis confié à Dieu et il m'a consolé. J'ai arrêté de pleurer tout de suite après lui avoir parlé. J'ai confiance en lui car il m'a souvent aidé. Cependant, je crois que je ne le remercie pas suffisamment, car je ne vais pas souvent à la messe. Mais, par contre, mon professeur a déjà dit que l'on pouvait le remercier à travers ce que nous faisons pour les autres.

Pendant ce temps, j'ai terminé le brouillon de mon histoire et je la recommence au propre. Je l'ai écrite et illustrée dans des cahiers lignés et tapée à la machine sur des feuilles blanche. Pour mes dessins, je m'aide avec des photos d'hommes et de femmes. J'ai même fait des femmes nues dans mon histoire que je cacherai dans le livre pour enfants. J'ai déjà des tas d'idées en tête pour d'autres récits de science-fiction.

Nous sommes aujourd'hui le 20 janvier 1979. Je suis chez ma tante Martine (une cousine de ma mère). Je vais me coucher et demain je pourrai peut-être voir France. Je suis venu tout seul, mais pour une bonne raison. Je suis venu faire du ski avec la famille de Jacques, le mari de Martine. Son père m'a tout de suite reconnu. « Le baquet », m'appelait-il. La sœur de Jacques me prenait pour mon frère, mais quand elle me reconnut enfin, elle s'écria: « Ah ! C'est toi le petit blond ». Cela faisait environ dix ans qu'elle ne m'avait pas vu. « C'est toi qui cherchais le trottoir ». Imaginez-moi, en pleine campagne refusant d'aller jouer avec les autres parce que je ne trouvais pas le trottoir.

Finalement je n'ai pas pu voir France, car elle n'avait pas de ski. Je revins chez moi triste et déçu. Je pus terminer un de mes plans de maison. Il s'agit d'une grande maison avec une piscine recouverte d'un dôme, deux pièces en demi-lune recouvertes de carreaux vitrés et une chambre ronde avec un toit ouvrant sur un dôme de plastique transparent laissant voir les étoiles, pour ma femme et moi. J'ai fait aussi une autre petite cabane de 25 pieds, au cas où je gagnerais un petit montant et que je pourrais aller vivre à Saint-Antoine.

C'est après m'être fait traiter de « baquet » que j'ai réalisé que je ne vous avais rien raconté de mon enfance. Je vais donc essayer de le faire, bientôt...

José pleure en me relisant le 9 mai 2021 : Quel naïf pathétique j’étais à 14 ans. Penser que j’allais devenir un grand écrivain ou m’amouracher d’une fille sans être capable de lui adresser la parole. Je vivais davantage dans mon monde imaginaire. Aujourd’hui, je remets en doute tellement de choses que je racontais à l’époque. Je ne savais pas ce que ma sœur vivait de difficile et j'ignorais que, parfois, elle me racontait des choses inventées de toutes pièces (j’ai notamment un doute sur sa discussion avec France) comme si, pour elle aussi, son monde imaginaire était plus intéressant que la réalité.  Et j'ai appris bien plus tard qu'en allant chez ma cousine, elle se faisait agressée (elle en parlera plus tard dans son livre 1) par le fameux Jacques ou, un peu plus tard, par mon ami Roger (des pseudonymes – parce que, oui, on peut mettre sur ce récit la mention: « cette histoire est vraie, seuls les noms ont été changés pour ne mettre personne en cause »). Ça me révolte de penser à tous les abus, toutes les négligences et toutes les injustices subies par plusieurs membres de ma famille, en commençant par ma mère, ma soeur et une autre des cousines de ma mère et ses enfants... d’autant plus que tout ça est demeuré secret si longtemps. Et moi j’avançais là-dedans, si naïf, si rêveur, davantage préoccupé par mon désir d’être aimé et admiré... et par l'amour ! 

 

 

L’amour

L'amour, c'est un rêve
Pour les malheureux
Et une joie pour ceux
Comme Adam et Ève;

Je sais qu'un jour
L'amour me viendra
Et repartira
Hélas pour toujours.

D'ici à ce temps,
Je m'habituerai
À veiller longtemps;

De nuit comme de jour
J'attendrai encore
Ce royaume d'amour.

José (19/01/1979)

À suivre dans : Bio-03 : Fantasmes

Fait suite à : Bio-1 : Autobiographie d'un journal intime

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Notes, références et légendes des figures (numérotées de haut en bas)

Fig. 1 : José et son ami Jean-Pierre (avec leur tuques éponymes), pendant l'hiver 1976-1977, du balcon de José, à Montréal; photo de Carmen St-Louis.

Fig. 2 : José sur sa carte d'étudiant de la Polyvalente Jeanne-Mance, en secondaire III; année scolaire 1978-1979.

1 : St-Louis, C. (2013). Entre mes psychoses - Survivre, Édition Carte Blanche. Disponible sur Bouquinbec : https://boutique.bouquinbec.ca/entre-mes-psychoses-survivre.html

 

N.B. : Le texte ci-dessus est basé sur une histoire vraie. Cependant, n'oubliez pas que :
1) mes avertissements généraux s'appliquent aussi aux textes de cette section ;
2) il s'agit de ma propre vérité, à partir de mes points de vue et jugements personnels du moment ;
3) la mémoire est toujours un processus de reconstruction mentale et une faculté qui oublie ;
4) presque tous les personnages ont des noms fictifs.

MPMC

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